Tragédie grecque : le rideau se referme sur un acte totalement absurde
Moon of Alabama
Je
n’ai rien posté jusqu’ici sur la tragédie grecque. Je n’ai pas estimé
utile d’en parler parce que la question était parfaitement traitée
ailleurs et que tout cela donnait davantage lieu à du mauvais spectacle
qu’à une politique économique sérieuse. Mais un acte du drame touche
maintenant à sa fin et la tragédie peut maintenant se transformer en
quelque chose de nouveau qui pourrait avoir de graves conséquences
géopolitiques.
La
Grèce s’est fort endettée à l’époque où les banques distribuaient de
l’argent sans se soucier de la capacité des débiteurs à rembourser.
Quand ce petit jeu a pris fin et que la source s’est tarie, il y a six
ans, la Grèce s’est trouvée dans l’impossibilité d’emprunter davantage
pour rembourser ses dettes antérieures. C’est à ce moment-là qu’elle
aurait dû faire défaut.
Mais on a fait pression sur le
gouvernement grec pour qu’il rembourse sa dette aux banques
commerciales, alors même qu’il n’avait pas (et n’aurait jamais) assez
d’argent et assez de revenus pour le faire. Les lobbyistes des banques
ont fait pression sur d’autres gouvernements de l’UE pour qu’ils
rançonnent leurs contribuables afin de couvrir indirectement les pertes
des banques. Ces autres gouvernements ont alors poussé la Grèce à
accepter les « prêts d’urgence » qu’ils lui consentaient pour payer les
banques commerciales étrangères.
Les Grecs dans le besoin n’ont jamais vu la couleur de cet argent. Cette petite vidéo montre bien ce qui est en réalité arrivé à tous ces jolis prêts que les contribuables étrangers ont « donnés aux Grecs ».
Pour
obtenir ces nouveaux prêts, la Grèce a dû consentir à des mesures
économiques insensées, un programme d’austérité et des « réformes »
néolibérales pour équilibrer son budget. Mais l’austérité ne marche pas,
n’a jamais marché et ne marchera jamais. Elle détruit l’économie,
réduit les revenus fiscaux et, du coup, le pays a encore plus de mal à
rembourser ses dettes. Cela crée un cercle vicieux qui aboutit à la
catastrophe économique.
Après six années d’austérité absurde, la
Grèce a élu un nouveau parti qui a promis de mettre fin au cycle
infernal et d’arrêter les mesures d’austérité. Mais le nouveau
gouvernement Syriza a mal évalué la situation et la férocité criminelle
des gouvernements et organisations avec lesquels il était obligé de
négocier. Il a dit tout de suite qu’il ne ferait pas défaut et il s’est
privé ainsi de son meilleur atout dans la négociation. Les négociations
ont échoué. Les créanciers exigent toujours plus d’austérité.
Maintenant, il va être obligé de faire défaut, mais dans des conditions
où il sera beaucoup plus difficile à la Grèce de se remettre sur pieds.
Hier,
Tsipras le premier ministre issu de Syriza, a appelé, dans un discours à
son peuple, à la fin du chantage et a annoncé un référendum pour
décider de la suite des événements :
Chers concitoyens, je vous
demande de répondre souverainement et fièrement, comme notre histoire
nous le commande, au chantage de cet ultimatum qui veut nous faire
accepter une austérité sévère, dégradante, éternelle et sans aucune
perspective d’une reprise économique et sociale.
A l’autoritarisme et l’austérité radicale, nous répondrons par la démocratie, calmement et sûrement.
La Grèce, le berceau de la démocratie, enverra un puissant message démocratique à l’Europe et au monde.
Paul
Maison de Channel 4 News pense que c’est une avancée positive qui sera
probablement couronnée de succès. Les gens vont voter non à l’austérité,
et le FMI, la Banque centrale européenne et les gouvernements de
différents pays vont continuer à donner de l’argent frais à la Grèce.
Yves Smith du site Naked Capitalism
ne croit pas que cela se passera ainsi. Elle qualifie le référendum
d’imposture. Pour elle, la Grèce fera défaut et le seul avantage du
référendum sera de maintenir Syriza aux affaires. Elle reproche à
Tsipras d’avoir mal jugé la situation et de ne pas s’être préparé à ce
qui va sans doute se produire :
La défiance de la Grèce vis à
vis de ses créanciers, la rendra plus dépendante d’eux, et non pas
moins, pour l’année qui vient. A quel point les choses tourneront mal
pour la Grèce dépendra en grande partie de ce qui les créditeurs feront
pour contrebalancer l’impact de l’implosion du système bancaire, qu’ils
prennent des mesures extrêmes pour garder la Grèce dans la zone euro,
ou, si la Grèce s’effondre et sort de l’euro, du niveau d’aide
humanitaire et d’aide commerciale ciblée (surtout pour les importations
de pétrole) qu’ils fourniront.
La Grèce aurait dû faire défaut
il y a six ans. Tsipras aurait dû se préparer à faire défaut
immédiatement après être devenu premier ministre. Il aurait dû utiliser
cela comme un moyen de pression au cours des négociations. La Grèce va
maintenant devoir faire défaut dans la pire situation possible et sans
s’être assez préparée aux conséquences de la faillite.
Mais la
Grèce ne sera pas seule à en subir les conséquences. Cela affectera
aussi l’UE, l’OTAN et l’équilibre politique de la Méditerranée. La Grèce
peut maintenant décider de quitter le royaume « occidental » et de
devenir, par là-même, un exemple que d’autres pourraient suivre.
Les
gouvernements allemand et européens ont promis à leurs contribuables
que la Grèce ne ferait pas défaut et que le programme d’austérité qui
lui a été imposé réussira. Ils vont maintenant perdre de leur
crédibilité politique et économique. La faillite de la Grèce sera une
leçon un peu sévère et coûteuse pour les électeurs de ces pays aussi.
Espérons qu’ils en tireront les bonnes conclusions.
Traduction : Dominique Muselet