2 janvier 2014
Contrer les risques sanitaires de l’utilisation abusive d’antibiotiques dans l’agriculture (m.medicalxpress)
L’utilisation
abusive d’antibiotiques dans l’agriculture risque de mener à une crise
sanitaire mondiale en multipliant les risques de voir se développer des
bactéries résistantes pour les humains. Pour contrer ce risque le
professeur d’économie Aidan Hollis propose de faire payer des droits sur
l’utilisation non-humaine des antibiotiques.
Dans un article publié dans la revue New England Journal of Medicine,
Aidan Hollis, professeur d’économie à l’Université de Calgary, et Ziana
Ahmed, assistante de recherche à l’Université de Calgary (à l’époque de
la recherche) exposent leur proposition pour réduire le risque induit
par l’utilisation abusive d’antibiotiques à des fins non-humaines dans
l’agriculture.
Le lien entre une utilisation extensive
d’antibiotiques pour accroître la production agricole (empêcher qu’elle
ne décline du fait des méthodes employées plutôt) n’est plus à
démontrer. Quand la Food and Drug Administration (FDA) décide d’adopter
des lignes directrices pour réduire l’utilisation d’antibiotiques dans
l’agriculture, c’est en général qu’on a dépassé depuis longtemps le
seuil d’alerte (article sur les lignes directrices - réactions).
Plus
précisément, l’utilisation massive d’antibiotiques sur le bétail et les
cultures augmente drastiquement le risque d’apparitions de bactéries
mutantes résistantes aux traitements traditionnels, qui pourraient
atteindre l’homme (et pas uniquement à travers la
consommation). Alors que la grande majorité de l’utilisation des
antibiotiques s’est faite en vue d’une augmentation de la productivité
dans l’agriculture, Hollis affirme que la plupart de ces applications
sont de « faible valeur ».
"Il s’agit d’augmenter l’efficacité
de la nourriture de telle sorte que vous pouvez réduire la quantité de
grain que vous donnez aux bovins", rapporte Hollis.
"Il s’agit de donner des antibiotiques pour des poussins, car cela réduit la probabilité qu’ils tombent malade quand vous les fourrez tous ensemble dans des conditions insalubres". "Ces méthodes sont évidemment profitables pour les agriculteurs, mais cela ne signifie pas qu’elles génèrent un avantage énorme. En fait, la rentabilité est généralement assez marginale". "La valeur réelle des antibiotiques est d’empêcher les gens de mourir. Tout le reste est trivial."
Si on regarde les chiffres, il a de quoi être inquiet : Aux États-Unis, 80% des antibiotiques sont utilisés dans l’agriculture et l’aquaculture (ultra-majoritairement pour le bétail). Ce qui fait près de 14 000 tonnes par an (si je ne me trompe pas sur l’échelle).
En
tant que professeur d’économie, Hollis mobilise alors l’arme ultime
contre cette dérive : la taxe ! Il propose de faire payer des droits
d’utilisation aux acteurs qui utilisent des antibiotiques à des fins
non-humaines. Il fait le parallèle avec les droits de coupes des
forestiers et les redevances des compagnies pétrolières.
Une telle
pratique permettrait de dissuader l’utilisation d’antibiotiques de
faible valeur des antibiotiques, des coûts plus élevés encourageant les
agriculteurs à améliorer leurs méthodes de gestion des animaux et à
adopter de meilleures substituts comme médicaments, notamment les
vaccins. La forme la plus efficace serait d’adopter un traité
international selon lui, les bactéries ne s’arrêtant pas aux frontières,
tous les pays sont plus ou moins concernés.
Si je vois mal un
passage des lignes directrices de la FDA à un traité international sous
peu, la portée de sa proposition restera sans doute faible. Mais le
message est important et l’enjeu de santé de public l’est doublement. De
la même manière que les thématiques relatives aux pesticides amènent à
interroger l’impact sur la santé et questionne sur les moyens de réguler
leur utilisation, l’utilisation d’antibiotiques à fins non-humaines
doit amener une réflexion sur les impacts potentiels sur l’homme afin
qu’une potentielle "crise de santé publique mondiale" soit évitée.
Voir notamment :
Kiergaard, le 25 Décembre 2013