15/06/2009 à 15h20
Iran, la révolution Twitter ?
Face à la répression exercée par les autorités, Internet apparaît comme un espace de liberté pour les manifestants iraniens et une source d'information privilégiée des médias occidentaux.
SYLVAIN MOUILLARD
Face aux soupçons de fraude électorale généralisée, un groupe intitulé «Where is my vote» (où est mon vote?) a vu le jour sur Facebook. (REUTERS)
Internet, caisse de résonance des Iraniens en colère. 48 heures après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République islamique d'Iran, des milliers d'électeurs continuent de protester contre un vote qu'ils dénoncent comme frauduleux. A Téhéran, la capitale, ainsi que dans d'autres villes du pays, des manifestations ont eu lieu, souvent émaillées de violences avec les forces de l'ordre. Mais la protestation prend aussi forme sur Internet, où une partie de la jeunesse cherche à rendre compte des derniers événements et à exprimer son mécontentement. Pour les médias occidentaux, la Toile iranienne est même devenue une source privilégiée d'information, notamment après l'expulsion de journalistes venus couvrir le scrutin.
Le New York Times affirme même de manière provocatrice que ces émeutes révèlent «l'échec de CNN, étrangement absent» lors des premières heures de protestation samedi. «La révolution ne sera pas télévisée, elle sera twitterisée»: le slogan, répandu sur la Toile ce week-end, résume l'opposition entre la supposée lenteur des médias traditionnels et la réactivité d'Internet.
Filtrage des autorités
Avant même que les bureaux de vote ne ferment, échanger des SMS était devenu impossible dans le pays. Dimanche, c'était au tour des téléphones portables, de Facebook et d'autres réseaux sociaux d'être inaccessibles. Sur son compte Twitter, le site «Les Observateurs» évoque une «guerre de l'info» entre «hackers réformateurs» et «autorités [qui] filtrent les sites d'opposition». Longtemps inaccessible, le blog officiel de Mahmoud Ahmadinejad connaît toujours des ennuis techniques. Les journalistes se sont alors tournés vers des sources alternatives, notamment la blogosphère iranienne. De nombreux partisans du réformiste Moussavi se sont rués vers Twitter, la plateforme de micro-blogging (non bloquée par les autorités), pour relater les évènements dont ils étaient témoins.
Depuis dimanche, l'occurence «Iran election» sur Twitter est de plus en plus présente, représentant même jusqu'à 1% du trafic total. Les utilisateurs de cet outil s'y échangent des liens vers des blogs, vidéos ou photos des manifestations. Des agrégateurs de contenus permettent aussi de se tenir au courant en temps réel de l'évolution de la situation (en français, ou en anglais, ici et là). Facebook n'est pas en reste. Moussavi en avait d'ailleurs fait un axe majeur de sa stratégie pour cette campagne électorale, comptant jusqu'à 40.000 amis sur sa page personnelle. Face aux soupçons de fraude électorale généralisée, un groupe intitulé «Where is my vote» (où est mon vote?) a vu le jour.
Information non-filtrée
Autant d'outils qui sont devenus des sources d'informations privilégiées pour les journalistes, confrontés au manque de témoignages directs sur place. L'exercice a cependant une limite: la nécessaire vérification des informations, qui émanent souvent de sources militantes. Plusieurs sites, dans leur traitement en temps quasi réel des évènements, ont néanmoins recouru à ces nombreux fournisseurs de contenus (The Led, RTBF, Huffington Post).
Le site The Inquisitr souligne que l'information fournie par Twitter n'est que «primaire, brute et non-filtrée». Parler d'une «révolution» via Twitter en Iran est donc peut-être trop hâtif. Le précédent de la Moldavie, en ce sens, est éloquent. Comme le rappelle le site Mediatrend, les mouvements contestaires nés en avril dernier dans ce pays d'Europe orientale, par le biais des plateformes de microblogging, se sont vite éteints. «Il semble que l'on présente abusivement Twitter et les réseaux sociaux comme étant l'outil de mobilisation. Il en existe un plus simple: le téléphone», conclut Mediatrend.