Qui est Stéphane Hessel?
Par Laurent Martinet, publié le 31/12/2010 à 12:00, mis à jour le 05/01/2011 à 15:00
Jane Birkin et Dan Franck aux côtés de Stéphane Hessel lors d'une manifestation contre la politique française en matière d'immigration, le 4 septembre 2010.
AFP
On ne présente plus Stéphane Hessel, 93 ans, ancien résistant, ancien ambassadeur de France. Et pourtant, après la parution et le succès d'Indignez-vous, sa personnalité est vivement controversée...
Stéphane Hessel, auteur d'Indignez-vous (Editions Indigène) un petit pamphlet vendu à plus de 300 000 exemplaires (Source Edistat) depuis sa parution fin octobre, est au coeur d'une polémique. Pour ses détracteurs, ce vieil homme de 93 ans, passé par le camp de concentration allemand de Buchenwald et farouche défenseur des droits de l'homme, aurait "joint sa voix à celle des pires antijuifs" en critiquant l'action de l'armée israélienne menée à Gaza en décembre 2008 et en appellant au boycott des produits israéliens. Pour justifier ce reproche, son action au cours de la guerre 39-45 et sa participation à la rédaction de la déclaration universelle des Droits de l'homme en 1948 ont même été mis en doute. Que sait-on exactement de lui?
Stefan Hessel naît à Berlin le 20 octobre 1917. Son père, Franz Hessel, est issu d'une famille juive convertie au luthéranisme. C'est un homme de lettres francophile qui traduira, dans les années 1920, Proust en allemand en compagnie du philosophe Walter Benjamin.
Franz et Helene Grund, sa femme, ont inspiré le triangle amoureux du roman d'Henri-Pierre Roché Jules et Jim (1953), adapté ensuite par François Truffaut (1962). Franz est l'amant allemand, Henri-Pierre est Jim, le Français, Helene est Catherine. Helene Grund rejoint Henri-Pierre Roché en France en 1925, suivie quelques mois après par son mari et leurs deux enfants, pour former le ménage anticonformiste qui fit rêver les années 1960.
Stéphane Hessel fait de brillantes études en France et il est naturalisé en 1937. En 1939, il est reçu à l'Ecole normale supérieure, où il poursuit des études de philosophie. Il épouse en 1939 Vitia Mirkine-Guetzévitch, une jeune russe d'origine juive, avec laquelle il aura trois enfants.
Il rejoint le Général de Gaulle à Londres en mars 1941. Il y reste jusqu'en 1944 où il revient en France pour une mission, et où il est arrêté. Déporté à Buchenwald, il n'échappe à la peine de mort par pendaison que grâce à une usurpation d'identité organisée par la résistance interne du camp.
Il est admis en 1945 au concours des Affaires étrangères et occupe le poste de directeur administratif au secrétariat général des Nations Unies à New York de 1946 à 1950. En 1948, il est nommé secrétaire de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies quand celle-ci entreprend la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme. S'il n'est pas directement rédacteur, il participe donc bien aux travaux de la Commission, et donc à l'élaboration du texte.
C'est sur les valeurs de cette déclaration de 1948, ainsi que sur celles du Conseil National de la Résistance, qu'il va fonder ses engagements d'après-guerre en faveur d'une "véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières" (Indignez-vous, p10).
Il est attaché au cabinet de Pierre Mendès France en 1955. Sa carrière diplomatique le mène ensuite de poste en poste à Saïgon, Alger, New York et Genève où il représente la France aux Nations Unies.
A l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, en 1981, il est "élevé à la dignité d'Ambassadeur de France". En 1988, il soutient la candidature de Michel Rocard à l'élection présidentielle. Il voit en lui un nouveau Mendès France, avant d'être déçu par son "Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde".
En 1996, il est médiateur dans l'affaire des "sans-papiers" réfugiés dans l'église Saint-Bernard. "Immigré moi-même, le sort des travailleurs immigrés ne pouvait que m'intéresser", précise-t-il dans ses Mémoires parus en 1997, Danse avec le siècle.
Le 15 juin 2010, à la suite de l'attaque de la flottille d'aide à Gaza par l'armée israélienne, il appelle au boycott des produits israéliens dans le cadre de la campagne "Boycott, désinvestissement et sanctions" lancée par des associations palestiniennes en 2005.
En octobre 2010 à Gaza, il rencontre en compagnie de Régis Debray le chef du Hamas Ismaël Haniyeh. Indignez-vous! paraît le 22 octobre. (Les 5 préceptes d'Indignez-vous)
Fin décembre 2010, il révèle au micro d'Europe1 qu'il soutiendra Martine Aubry pour l'élection présidentielle de 2012. Celle-là même qui a précisé en novembre dernier, au nom du Parti socialiste, être opposée à la campagne de boycott des produits israéliens.