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20 jan 2010
La messagerie d'un fonctionnaire est-elle présumée professionnelle?
La Cour d’appel de Rennes vient de se prononcer sur le caractère professionnel d’un e-mail envoyé par un fonctionnaire et récupéré par son supérieur hiérarchique pour alimenter une procédure de sanction.
Les faits objet du litige sont relativement classiques: un fonctionnaire municipal envoie à partir de sa messagerie professionnelle un e-mail à son chef de service, dont l’objet était «Re: Budget» et dont le contenu était à la fois de nature privée et professionnelle. Et surtout très critique vis-à-vis de sa hiérarchie.
Dans le cadre d’une procédure de sanction de ce fonctionnaire, le Directeur Général des Services de la Ville, M. Schmitt, a récupéré l’e-mail litigieux et l’a versé au dossier de la procédure.
Le fonctionnaire a alors déposé plainte contre le Directeur des Services, pour atteinte au secret des correspondances par une personne dépositaire de l’autorité publique, délit prévu à l’article 432-9 du code pénal et puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.
A la suite de cette plainte, M. Schmitt était condamné à 3.000 € d’amende avec sursis, par le Tribunal correctionnel de Quimper, pour détournement de correspondance. Il a alors interjeté appel de la décision de première instance.
Au soutien de l’appel, M. Schmitt considérait que le délit n’était pas constitué, dans la mesure où les éléments constitutifs du délit, à savoir «le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances», n’étaient pas réunis.
Suivant l’argumentation du directeur, la Cour a infirmé la décision de première instance et jugé que le délit d’atteinte au secret des correspondances n’avait pas été commis.
Selon l’AFP, la Cour a estimé qu'il n'y avait pas de délit dans la mesure où le courrier a été «obtenu en copie auprès du destinataire, au vu et au su de celui-ci» et qu'il s'agissait d'un courrier «à essence professionnelle».
Cité par Le Monde.fr, Me Vincent Omez, l'avocat du fonctionnaire, conteste cette décision et considère que «si le destinataire était bien au courant, ce n'était pas le cas de l'expéditeur; et surtout, le contenu du message, destiné à une seule personne, était à plus de 50 % de nature personnelle».
Une décision normale?
L’arrêt de la Cour de Rennes semble s’inscrire dans une tendance actuelle de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui s’est déjà prononcée sur cette question pour ce qui concerne les fichiers informatiques crées par un salarié.
Ainsi, dans un arrêt du 18 octobre 2006, la Cour de cassation a jugé que «les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence».
Ainsi, l’arrêt de Rennes semble incontestablement aller vers une reconnaissance, dans le secteur public, du principe selon lequel tout document non expressément identifié comme étant personnel est présumé professionnel, et ainsi susceptible d’être consulté et utilisé par la hiérarchie du fonctionnaire même à l’insu de l’intéressé et même s’il contient des informations de nature privée...
Ce principe est d'ailleurs déjà formalisé dans de nombreuses "Chartes informatiques" d'administrations désireuses de restreindre l'utilisation privée des messageries.
L'on pourrait toujours plaider qu'une correspondance n'est pas un fichier informatique comme un autre, mais la prudence exige plutôt des fonctionnaires qu'ils évitent d'entretenir des correspondances privées à partir de leur messagerie professionnelle, ou à tout le moins qu'ils identifient clairement ces correspondances comme étant personnelles...
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20 jan 2010
La messagerie d'un fonctionnaire est-elle présumée professionnelle?
La Cour d’appel de Rennes vient de se prononcer sur le caractère professionnel d’un e-mail envoyé par un fonctionnaire et récupéré par son supérieur hiérarchique pour alimenter une procédure de sanction.
Les faits objet du litige sont relativement classiques: un fonctionnaire municipal envoie à partir de sa messagerie professionnelle un e-mail à son chef de service, dont l’objet était «Re: Budget» et dont le contenu était à la fois de nature privée et professionnelle. Et surtout très critique vis-à-vis de sa hiérarchie.
Dans le cadre d’une procédure de sanction de ce fonctionnaire, le Directeur Général des Services de la Ville, M. Schmitt, a récupéré l’e-mail litigieux et l’a versé au dossier de la procédure.
Le fonctionnaire a alors déposé plainte contre le Directeur des Services, pour atteinte au secret des correspondances par une personne dépositaire de l’autorité publique, délit prévu à l’article 432-9 du code pénal et puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.
A la suite de cette plainte, M. Schmitt était condamné à 3.000 € d’amende avec sursis, par le Tribunal correctionnel de Quimper, pour détournement de correspondance. Il a alors interjeté appel de la décision de première instance.
Au soutien de l’appel, M. Schmitt considérait que le délit n’était pas constitué, dans la mesure où les éléments constitutifs du délit, à savoir «le détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances», n’étaient pas réunis.
Suivant l’argumentation du directeur, la Cour a infirmé la décision de première instance et jugé que le délit d’atteinte au secret des correspondances n’avait pas été commis.
Selon l’AFP, la Cour a estimé qu'il n'y avait pas de délit dans la mesure où le courrier a été «obtenu en copie auprès du destinataire, au vu et au su de celui-ci» et qu'il s'agissait d'un courrier «à essence professionnelle».
Cité par Le Monde.fr, Me Vincent Omez, l'avocat du fonctionnaire, conteste cette décision et considère que «si le destinataire était bien au courant, ce n'était pas le cas de l'expéditeur; et surtout, le contenu du message, destiné à une seule personne, était à plus de 50 % de nature personnelle».
Une décision normale?
L’arrêt de la Cour de Rennes semble s’inscrire dans une tendance actuelle de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui s’est déjà prononcée sur cette question pour ce qui concerne les fichiers informatiques crées par un salarié.
Ainsi, dans un arrêt du 18 octobre 2006, la Cour de cassation a jugé que «les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence».
Ainsi, l’arrêt de Rennes semble incontestablement aller vers une reconnaissance, dans le secteur public, du principe selon lequel tout document non expressément identifié comme étant personnel est présumé professionnel, et ainsi susceptible d’être consulté et utilisé par la hiérarchie du fonctionnaire même à l’insu de l’intéressé et même s’il contient des informations de nature privée...
Ce principe est d'ailleurs déjà formalisé dans de nombreuses "Chartes informatiques" d'administrations désireuses de restreindre l'utilisation privée des messageries.
L'on pourrait toujours plaider qu'une correspondance n'est pas un fichier informatique comme un autre, mais la prudence exige plutôt des fonctionnaires qu'ils évitent d'entretenir des correspondances privées à partir de leur messagerie professionnelle, ou à tout le moins qu'ils identifient clairement ces correspondances comme étant personnelles...