quarta-feira, 2 de maio de 2012

Le Monde. O debate presidencial na França

"C'est un match nul : Hollande partait en position de favori, il le reste"

Le Monde.fr | • Mis à jour le

Dans un chat au Monde.fr, Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde, livre son analyse du débat radiotélévisé entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, mercredi 2 mai.

Never33 : Qui a gagné ? Comment jugez-vous la prestations des candidats ?

Françoise Fressoz : Difficile de répondre à la question, car il n'est pas certain que le débat fasse bouger les lignes chez les indécis. Il a été globalement très technique. Mais ce qui a le plus frappé, c'est de voir que François Hollande ne s'est jamais laissé dominer par Nicolas Sarkozy.

Il faut voir quelle était la stratégie des deux candidats. M. Hollande avait besoin de montrer qu'il maîtrisait ses dossiers, qu'il avait la stature présidentielle, qu'il pouvait incarner justice et redressement. C'est en fonction de ces trois impératifs qu'il a conduit le débat. A chaque fois que M. Sarkozy essayait de lui asséner un chiffre, il ripostait.

Comme M. Sarkozy voulait se placer en position du maître par rapport à l'élève, comme l'avait fait Valéry Giscard d'Estaing face à François Mitterrand en 1974, M. Hollande a réagi : il a contesté les chiffres et les raisonnements de M. Sarkozy, pour ne pas se laisser piéger. Cela n'a pas forcément donné un débat très compréhensible, mais cela a permis au candidat socialiste de ne jamais se laisser dominer.

M. Sarkozy, lui, s'était fixé comme objectif de "débusquer" son adversaire, dont il ne cesse de dénoncer l'art de l'esquive. Il a cherché toutes sortes "d'alliés" pour mettre en difficulté M. Hollande : il est allé chercher Manuel Valls, le directeur de la communication de son rival, sur la TVA Sociale, Martine Aubry sur le contrat de génération, il a aussi cité Laurent Fabius... Il voulait vraiment mettre en difficulté M. Hollande sur ses convictions.

Mais il n'a, je pense, réussi à le faire que sur la partie immigration, lorsqu'ont été évoqués les centres de rétentions. M. Hollande a eu du mal à expliquer s'il voulait les maintenir ou en faire une exception. C'est la seule fois où il a été vraiment en difficulté. Mais à chaque grande étape du débat, M. Sarkozy a utilisé la même technique : essayer de faire apparaître M. Hollande comme une personnalité sans beaucoup de convictions. Il a par exemple essayé sur le nucléaire, mais là, M. Hollande s'est beaucoup mieux défendu.

Doc : J'ai le sentiment que M. Sarkozy ne s'attendait pas à un François Hollande si combatif, ne l'a-t-il pas sous-estimé ? 

Je pense que M. Sarkozy a fini la campagne en se rendant compte qu'il ne fallait pas sous-estimer M. Hollande. Il avait une difficulté fondamentale dans ce débat : il lui fallait gommer le côté agressif qu'il avait manifesté la semaine dernière pour tenter de récupérer des voix à Marine Le Pen. Car il savait bien qu'en face de lui, il aurait un candidat qui jouerait le rassemblement dès le début du débat.
Et dès le début du débat, M. Hollande l'a effectivement accusé d'avoir "opposé" et "divisé" les Français. Il fallait absolument que M. Sarkozy, en réponse, sorte du rôle du méchant. Du coup, on a eu l'impression qu'il était beaucoup moins dominateur que d'habitude.

Baba : Comment évaluez-vous l'attitude et les qualités montrées par M. Hollande ? Il semble avoir montré des qualités d'homme d'Etat.

M. Hollande a montré qu'il connaissait bien ses dossiers. Il n'a pas donné l'impression qu'il était fondamentalement handicapé par le fait de ne jamais avoir été ministre. Par ailleurs, il a crédibilisé son projet, en jouant sur le côté "justice", qui était le point faible du bilan de M. Sarkozy. Son credo est d'apaiser la France en la rendant plus juste, et de renvoyer M. Sarkozy à ses peurs.
Par ailleurs, il a constamment joué sur le bilan pour atténuer le caractère "homme d'Etat" de M. Sarkozy. A chaque grand dossier, il l'a renvoyé à son quinquennat, ou même à dix ans en arrière, quand il était ministre de l'intérieur. Et c'est en jouant contre ce bilan qu'il est parvenu à dessiner un projet.
Adrien : Avez-vous trouvé Nicolas Sarkozy en difficulté ?
M. Sarkozy n'a jamais décroché du débat. Mais à un moment, à la fin de l'émission, il a un peu laissé filer les choses. Quand François Hollande répète plus de dix fois "moi président de la République", il aurait pu l'interrompre en disant qu'il ne l'était pas encore, ou en pointant son arrogance.
Au contraire, il s'est tu. Il a laissé le candidat socialiste à sa litanie, et on se demande à ce moment du débat s'il ne s'est pas déjà résigné à la transmission du flambeau : c'était très étonnant venant de sa part.

David : La stratégie de M. Sarkozy de combattre sur son bilan n'est-elle pas sa faute principale ? Très peu de propositions sur le futur dans le débat alors qu'il a un programme de propositions ?

Vous soulevez l'une des difficultés de sa campagne. Normalement, M. Sarkozy aurait dû défendre son bilan au début de la campagne, pour développer ensuite ses propositions. Et on le retrouve en fait à la dernière émission télévisée à encore défendre son bilan, sans faire beaucoup de propositions.
C'est dû en partie au fait qu'il a longtemps cru que cette présidentielle se jouerait sur la crise, et qu'il n'avait pas besoin de projet : on le jugerait plutôt sur sa stature présidentielle. C'était une erreur.

Guest : Pensez-vous que les efforts de M. Sarkozy vont être récompensés par les électeurs du FN ou MoDem ? Il me semblait moins convaincant quand M. Hollande l'a poussé sur le terrain de son virage à droite - immigration, etc.

La campagne très à droite de M. Sarkozy la semaine dernière a créé des remous au sein même de l'UMP. On a vu le premier ministre en personne, François Fillon, corriger le président de la République sur l'attitude à avoir vis-à-vis des syndicats. On a entendu Jean-Pierre Raffarin dire son malaise, après les appels du pied à l'électorat FN.

Ce soir, M. Sarkozy a essayé de rectifier le tir, en jouant à la fois l'électorat Le Pen et l'électorat du centre. Du coup, il pouvait sembler moins convaincant à l'un ou l'autre de l'électorat.

Pierrick : Selon vous, quels sont les thèmes qui ont manqué à ce débat ? 

Ce qui m'a semblé manquer, pas seulement ce soir mais tout au long de la campagne, c'était la façon dont la France se situait par rapport au reste du monde. Les débats ont été très techniques. Il a manqué dans les deux camps une vision sur les enjeux des cinq ans à venir, comme si le pays avait vraiment du mal à se situer dans la mondialisation.

Denzel : Peut-on parler de match nul - un bon débat sans gagnant ? 

Oui, on peut parler de match nul. Mais comme M. Hollande partait en position de favori, on peut dire qu'il reste le favori. M. Sarkozy n'est pas parvenu à le déstabiliser, alors que c'était vraiment son objectif de départ.

Guest : Le débat m'a paru violent, voire provocateur. Etait-ce le cas ?

Quand on liste les moments de tension, ils sont finalement assez peu nombreux. En revanche, le débat est sans concession, parce que sans arrêt, ils s'interrompent l'un l'autre. M. Hollande a le souci de corriger M. Sarkozy, dès que ce dernier assène quelque chose : et donc, on est toujours sous tension, et ce n'est pas forcément une bonne façon de rendre les sujets plus intelligibles.

Par exemple, sur l'emploi, il n'est pas sûr qu'on ait appris beaucoup de choses, alors qu'il s'agit du sujet de préoccupation numéro 1 des Français.