Comment Albert Frère a roulé la présidente du Brésil
Marco Van Hees
C’est
en passe de devenir un gigantesque scandale au Brésil : la société
publique PetroBras, que dirigeait l’actuelle présidente Dilma Roussef, a
été grugée par une certaine société Transcor Astra. Or, celle-ci est
détenue par le milliardaire carolo Albert Frère, dont la fortune doit
beaucoup aux finances publiques, belges notamment.
« Mon
collaborateur avait omis de me fournir certaines informations
essentielles en 2006 », plaide aujourd’hui Dilma Roussef, la présidente
du Brésil, qui pourrait être emportée dans un scandale financier de
taille.
Cette année-là, la société publique pétrolière PetroBras,
qu’elle dirige, conclut un partenariat avec Astra Holding USA, filiale
de Transcor Astra Group, elle-même filiale à 80 % de la Compagnie
nationale à portefeuille, un des principaux holding d’Albert Frère.
PetroBras acquiert, pour 360 millions de dollars, 50 % du capital de
Pasadena Refining System, Inc. (PRSI), une société pétrolière américaine
dont le siège est situé à Pasadena, au Texas.
Transcor Astra
détient l’autre moitié, mais selon l’accord signé en 2006, la société de
Frère peut exercer une option de vente à PetroBras, ce qu’elle réalise
effectivement en 2008. Et, selon une probable clause douteuse du
contrat, cette transaction s’effectue pour un prix de 820,5 millions de
dollars. Soit plus de deux fois la valeur de 2006.
En outre, en
consultant le rapport annuel 2005 de la CNP, on apprend que Transcor
avait acquis la société texane pour à peine... 42,5 millions d’euros.
La
présidente Roussef avance donc aujourd’hui que le rapport de son
collaborateur de l’époque, M. Cervero, aurait négligé d’évoquer la
fameuse clause au moment de signer l’accord. Quoi qu’il en soit, ce deal
douteux qui enrichit Albert Frère aux dépens des pouvoirs publics n’est
pas étonnant de la part du baron de Gerpinnes. On pourrait même
affirmer qu’il s’agit de sa carte de visite.
« Opération Arche de Noé »
Une
des étapes décisives de l’enrichissement de Frère, c’est sa cession de
la sidérurgie à l’Etat, en particulier sa société commerciale d’acier,
vendue à l’Etat à prix d’or en 1983, à une époque où le ministre de
l’Economie, Willy Claes, arbitrait les matchs de tennis qui se
déroulaient dans la villa d’Albert Frère à Saint-Tropez.
En sens
inverse, il y a la fameuse « Opération Arche de Noé », par laquelle
Frère soustrait les filiales belge et suisse de Paribas, que le
gouvernement socialo-communiste de Pierre Mauroy décide de nationaliser
en 1981. Au passage, le financier carolo réalise un joli bénéfice.
Plus
récemment, en 2008, on sait que Frère est intervenu auprès du ministre
des Finances Didier Reynders pour favoriser la vente de Fortis à
BNP-Paribas. Il faut savoir que Frère et Paribas sont partenaires depuis
1968. Or BNP-Paribas a obtenu Fortis « pour rien », selon l’expression
d’un rapport établi par Stanley Morgan.
Autre exemple : la vente
de Quick en 2006 à la Caisse de dépôt et consignation, bras financier de
l’Etat français, pour un prix anormalement élevé. Une affaire qui
entraîne aujourd’hui une enquête de l’Inspection spéciale des impôts.
Bref,
celui que les autorités belges ont fait baron et que certains
présentent comme un modèle, s’est en fait enrichi en grugeant une série
de personnes et de sociétés, en particulier dans la sphère publique.
Qui
plus est, Albert Frère et ses sociétés échappent presque totalement à
l’impôt en Belgique. Le service d’études du PTB avait ainsi révélé que
les deux principaux holdings du groupe Frère, GBL et CNP, avaient payé
152 euros d’impôts sur 3,3 milliards de bénéfices. Notamment parce que
toutes les plus-values financières réalisées, honnêtement ou non, par
Frère ne sont pas taxables dans notre législation fiscale.
Pour le
PTB, il est plus que temps d’adopter une politique qui cesse d’accorder
des cadeaux mirobolants aux plus riches, comme les intérêts notionnels
ou les plus-values exonérées. Le parti de gauche défend, au contraire,
l’instauration d’une « Taxe des millionnaires » sur les patrimoines
supérieurs à 1,5 million d’euros.
Marco Van Hees
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